Philippe Ducros

BIOGRAPHIE

Philippe Ducros est auteur et metteur en scène d’une vingtaine de spectacles, dont L’affiche, La porte du non-retour, La cartomancie du territoire et Chambres d’écho. Autodidacte, sa démarche reste ancrée dans ses errances aux quatre coins du monde.

 

Outre son travail à titre de directeur artistique d’Hôtel-Motel, il a travaillé avec d’autres compagnies, comme Porte Parole, pour qui il a signé la mise en scène de Montréal La Blanche, théâtre documentaire sur l’immigration des Algériens à Montréal, ou encore le Théâtre PÀP, pour qui il a signé Dissidents, un texte coup de poing sur notre capacité d’indignation, la manipulation de notre sentiment d’impuissance et nos possibilités de passer à l’acte pour un monde meilleur.

 

Philippe Ducros a été directeur artistique du théâtre Espace Libre à Montréal de 2010 à 2014.

 

Ses textes de scène sont publiés chez Lansman Éditeur et dans la collection L’instant scène des éditions L’instant même. Son premier roman, Eden Motel, a également été publié à L’instant même. Il a fait partie des romans représentant le Québec au Festival du premier roman de Chambéry.

 

Chez Atelier 10, il a fait paraître La cartomancie du territoire, un texte sur les réalités autochtones et les réserves naturelles du Québec. La pièce a été présentée à Espace Libre en mars 2018. Elle a depuis été jouée à plus de 50 reprises au Québec et en France.

MOT DE PHILIPPE DUCROS

 

« Je m’appelle Philippe Ducros. Je suis Montréalais de port d’attache. Mais je fais partie de ceux qui croient que les frontières ne sont que des cicatrices sur les lignes de main de la terre. En ces temps de « mondialisation », à l’époque où les marchandises ont des passeports et des visas beaucoup plus facilement que les individus, où les idées et les gens doivent creuser sous les murs et couper les barbelés pour se rencontrer, je crois qu’il faut penser le monde comme une série de vases communicants où notre mode de vie est directement relié à celui des 7 milliards d’autres humains. Je ne suis pas allé dans les écoles d’art, dans les studios des maitres, j’ai plutôt voyagé. En tant qu’être humain, en tant qu’artiste, je me suis formé sur les routes. Ma vision du monde en est revenue modifiée, mutante. Ces errances ont peu à peu servi d’inspirations et de mode de vie. Aujourd’hui, je veux inviter le spectateur à un dialogue vers « l’autre ». Nos gouvernements se permettent de les bombarder, de les boycotter, ils leurs refusent l’aide humanitaire, mais nous en tant qu’artiste, on devrait les regarder de loin vu qu’ils ne sont pas nous et que nous ne connaissons pas leur réalité?

 

Je crois au contraire qu’ils sont nous.

 

L’Occident et son capitalisme n’ont jamais trop aimé les nomades. Les Premières Nations le savent et en ont durement payé le prix. Or, je me reconnais en ce nomadisme. Je me suis formé sur les routes, seul, en ces chambres d’hôtel au tapis brulé, au petit savon emballé. J’en suis revenu chaque fois un peu plus étranger à mon milieu. J’ai écrit, suite à ces voyages, des pièces qui se sont révélées salvatrices pour moi, qui m’ont aidé à retrouver le sommeil. J’avais, grâce à elles, le sentiment que mon chemin était porteur de sens, que j’avais un rôle : j’étais le témoin, un passeur de réalités d’un versant à l’autre du spectre économique.

 

Mais peu à peu, au retour de mes errances à travers le monde, je me suis mis à ne plus reconnaitre la quiétude de notre coin de terre. Jour après jour, j’assiste au démantèlement de la solidarité intrinsèque au « modèle québécois ». Je suis témoin de l’exploitation radicale du sol et du sous-sol chez nous, du chacun pour soi qui vient automatiquement avec le sabotage de l’austérité, de la précarité croissante des gens que j’aime.

 

Je poursuis donc ce dialogue avec l’autre qui fait ma spécificité, continuant à réfléchir aux liens entre colonialismes, pillages et identités, mais me rapprochant de plus en plus de ce paysage qui nous façonne. »